J’avais envie d’une soupe aux champignons, sans que ce soit uniquement une soupe de champignons. Voilà comment on en est arrivé là !
— Non, non, non ! C’est n’importe quoi ! Allez, on se remet en place, on reprend.
Le metteur en scène avait bondi de son fauteuil au premier rang. Le visage rougi par la colère, il avait grimpé le petit escalier jusqu’à la scène, attrapé le comédien par la fraise, traîné jusque jardin puis avait trépigné de rage. Les autres, bien heureux de ne pas être la cible de son courroux du moment firent profil bas et reprirent place. Acte 2, scène 4. L’incriminé attendait docilement la réprimande, main sur la garde. Il s’imaginait sortir son fleuret, taillader la chemise en flanelle du petit homme, saluer ses camarades, chapeau à la main et s’en aller. Il ne le ferait pas. Derrière le rideau, Athos, D’Artagnan et Aramis observaient en silence. Un pour tous, tous pour un avait beau être la devise de leurs personnages, pas un ne se risquerait à intervenir pour adoucir la peine du malheureux.
— Portos, bello, tu arrives comme un cheveu sur la soupe ! Tu viens leur proposer une aventure, une quête contre l’abominable cardinal, ce que vous attendez depuis des mois et toi, tu lâches ça comme un poireau cuit à l’eau ! C’est mou, c’est fade, c’est sans saveur ! Elle est où la passion ?
Le pauvre acteur baissa les yeux en agitant sa tignasse poivre et sel. Il avait accepté de jouer dans ce navet pour le cachet, il ne pouvait pas se permettre de se faire virer. L’autre, dans son monde, continuait.
— Et puis le chant, Pignon ! Sur ton CV il y a marqué que tu sais chanter ? Là c’est n’importe quoi ! On perd Seal pour une espèce de charabia défraîchi ! Quand j’ai demandé qui se sentait pour ce rôle, tu as répondu “sur, je l’ai !” Elle est où la fraîcheur que je te demande ? T’es pas dans ton assiette, assoupi, morne et désossé ! Alors pour le chant, Pignon, j’espère que tu vas te remettre sur pied, si tu dégages, je te mettrai en figurant sur les trompettes del amor, et tu regretteras quand tu jouais une carotte à ton spectacle d’école primaire ! C’est pas possible que je me tape tous les fruits pourris du métier nom d’un potimarron ! Allez en selle ! Ris, amuse-toi, retrouve-moi un peu de patate. Que ce soit clair pour tout le monde on envoie la purée ! Si je ramène ma poire au quatrième acte, vous serez tous dans la sauce ! Je vous renvoie tous à Rungis décharger des cagettes, je me suis bien fait comprendre ?
Même les mouches des comédiens n’osèrent voler pour ne pas rompre le silence. Le petit homme se réinstalla au fond de son fauteuil, reprit son porte-document, éplucha rapidement le texte de la scène.
— Allez, on y va !
Les trois mousquetaires, en costume arlequin entrèrent sur scène où les attendait une soucoupe en carton-pâte.
— Nous avons bien cuisiné ce sbire du cardinal, mes amis, mais nous n’en avons rien obtenu. Peut-être devrions nous nous mêler de nos oignons. Après tout, l’univers est peut-être bien assez grand pour cet infâme gredin et notre bon roi.
— Tu as peut-être raison d’Artagnan, après tout, il y a de la place dans l’espace.
— Aïe, je crois qu’on vient !
Les trois mousquetaires s’emparent de leurs fleurets lasers et se cachent derrière le sas de la soucoupe.
— Rangez vos armes et vos larmes mes amis, ce n’est que moi, clama Porthos avec l’énergie d’un homme qui venait de manger trois boeufs et une bonne engueulade. Je sais comment nous pouvons coincer cet infâme cardinal de l’Espace ! Mon informateur, Jonathan Raufle, m’a tout dit ! J’ai de quoi enfoncer le clou, de J. Raufle, alors reprenez espoirs !
La musique est crachée par des enceintes placées en avant scène. Les quatre comédiens se positionnent sur la rampe de la soucoupe, fleuret laser phosphorescent comme une canne.
“Est-ce que nous devenons fous,
Que dois-je t’expliquer,
Si nous nous prenons le chou,
C’est que nous nous sommes trop piqués…”
— Voilà ! Voilà ! C’est ça, s’écria le metteur en scène ! Là on a l’énergie, la finesse de l’écriture, la subtilité de mon travail qui redonne de la grandeur à ce classique désuet. La recette prend ! Allez, on se permet une pause goûter, ça vous redonnera un peu de velouté !
Pour 4 à 6 personnes :
- 1 kg de champignons de Paris
- 2 carottes
- 1 gros navet
- 2 échalotes
- 1 blanc de poireau
- 2 grosses pommes de terre
- 4 champignons Portobello
- 1 petite botte de persil
- 1 petit bouquet de cébette
- 1 gousse d’ail
- De l’huile végétale
- Du sel, du poivre
En cuisine !
- Laver les légumes. Retirer la partie terreuse des champignons, éplucher les carottes, le navet, les pommes de terre et les échalotes. Émincer grossièrement le tout.
- Dans une cocotte, faire chauffer un fond d’huile. Lorsqu’elle est bien chaude, y mettre les légumes à suer à couvert quelques minutes. Saler. Couvrir à un peu plus que la hauteur en eau. Laisser cuire à petit bouillonnement pendant une bonne vingtaine de minutes.
- Mixer la soupe. Si vous souhaitez un résultat plus velouté, la passer au chinois. Rectifier l’assaisonnement et maintenir la soupe au chaud.
- Laver les Portobello. Les couper en lamelles d’un demi centimètre de large environ. Laver et sécher le persil et la cébette, les ciseler. Dans une poêle, mettre de l’huile à chauffer à feu vif. Lorsque l’huile est chaude, faire sauter les lamelles de champignons. Saler. Lorsque les champignons ont pris une jolie couleur dorée, couper le feu, ajouter les herbes.
- Servir la soupe avec les lamelles de champignons fraîchement sautées, un peu d’ail frais râpé et quelques tours de moulin de poivre.
Laclac, La cuisine sans lactose, vous souhaite un bon appétit! Sans lactose, évidemment!
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